Lors de mon entretien du dix décembre deux mille quatre, avec ton papa, mon petit ange, il m'a demandé dans toutes les langues de la tendresse, de ne pas te garder. Si vraiment je l'aimais, que je te fasse partir au ciel bien vite...
Il m'a dit qu'il tenait encore beaucoup à moi, mais qu'il devait partir retrouver Paloma, c'était plus fort que lui. Il m'a dit aussi, il ne voulait pas se marier avec elle mais, si c'était le seul moyen de la faire venir en France, il le ferait sans hésiter. La précision de ton papa dans certaines circonstances me fait parfois sourire, comme s'il me trouvait naïve.
Si leur relation ne fonctionne pas, il reviendrait avec moi. Il a dit avoir avec moi, tout ce qu'un homme pouvait désirer, il était l'homme le plus heureux dans notre maison mais, si je garde le bébé, il ne reviendrait pas vers moi. Beaucoup plus tard, si nous nous retrouvons ensemble, nous ferons un bébé tous les deux. Avoir un bébé c'est former un couple, je dois avoir un papa pour ce petit bébé qui va naître. Il m'a précisé aussi, en ayant beaucoup d'amour pour moi, il ne désire pas que j'assume une quatrième naissance toute seule. Il m'a supplié plusieurs fois, mon bébé. J'ai pleuré énormément, j'ai versé beaucoup de larmes...
Je l'aime ton papa, si tu savais comme je l'aime, mon petit cœur. Je l'aime comme au premier jour. Il m'a fait tant de mal depuis notre rencontre mais je l'aime toujours. J'ai tout accepté de lui, peut-être trop. Je lui ai souvent donné de l'argent pour ses besoins personnels, alors qu'il envoyait tout son argent à Paloma, quand il me prétextait ne pas être payé par son employeur. J'ai toujours désiré qu'il soit avec moi par envie, non par obligation.
Tu n'es pas là pour pouvoir garder ton papa, mon ange. Tu es là, car tu es un petit bout de cet amour qui nous assemble. J'aime quand il pose ses yeux sur moi, ton papa. Il est si beau, si merveilleux, si tendre et souriant.
Ressens-tu ma peine, mon petit bébé?
Lors d'une petite promenade matinale avec Karen, en allant faire quelques courses, elle m'a obligé de rentrer dans une cabine téléphonique pour appeler le gynécologue, pour une interruption de grossesse. Mon médecin ne pratique plus cet acte, cela concerne trop de risques, m'a dit sa secrétaire. Ce n'est pas un hasard. Intérieurement j'étais contente de voir leur acharnement tombé à l'eau.
Hier soir mon petit bébé, j'ai regardé une émission télévisée sur l'avortement. Ils disaient qu'il n'y avait aucune femme qui ne culpabilisait pas, en ayant pratiqué ce geste. Avant le dernier acte, entendre le cœur du bébé battre et regarder ce petit corps à l'échographie, était un souvenir très difficile à chasser de sa mémoire.
Je ne pourrais pas supporter cela, même par amour pour ton papa. J'aimerais lui dire si tu savais, j'aimerais...
Je sais que ton papa a réservé sa place pour retourner voir sa chérie, Paloma, le vingt neuf décembre deux mille quatre. J'aimerais lui dire, ne pars plus reste ici, aimons-nous Paul-Antoine!
Mais je ne peux pas, je n'en ai aucun droit. Je veux qu'il m'aime pour moi, qu'il reste par choix personnel, par envie, par amour tout simplement.
Je ne veux pas te perdre mon enfant. Je suis un peu déçue par ton papa, il n'a pas pris le temps d'écouter mes mots. Il y a trois ou quatre mois, je lui ai dit vouloir un enfant de lui. En ayant pas réussi ma vie de femme, être maman une dernière fois est mon dernier souhait déposé à ses pieds.
Il m'a répondu que c'était gentil, qu'il ne pensait pas être papa maintenant, mais il n'a jamais eu de tel propos, comme ce jour.
Pour moi, je pense que je te voulais sans te vouloir, je n'ai rien décidé je prenais la pilule et la vie en a décidé autrement. Tu es là à présent, mon bébé, mon petit diamant éternel, je ne veux pas te perdre. Je ne peux pas. Dans cette vie, il n'y a pas de hasard. Dieu a choisi maintenant. J'ai construit quelque chose de merveilleux avec ton papa, de l'amour, de la patience, de l'attention, du respect.
Tu es aujourd'hui le fruit de cette réussite, comment ne pas t'attendre mon bébé, comment ne pas t'aimer. J'ai peur d'être une maman à nouveau, mais je n'ai pas peur de t'aimer, même au prix de ne plus pouvoir serrer ton tendre papa dans mes bras. J'aurais donné ma vie pour lui, mais je ne peux prendre la tienne pour le rendre plus heureux, plus libre de voler où il le désire. Je dois laisser le temps à l'amour, lui seul décide de tout.
20.12.2004 à 6h03
Mon enfant, mon amour.
Papa vient de partir au travail après un week-end très mouvementé. Avec lui, ton frère et tes deux sœurs nous nous sommes rendus une après-midi chez Karen pour lui accrocher un lustre. Je me doutais que nous parlerons de toi mon petit cœur, déjà le matin au téléphone, Karen me dit de presser l'avortement.
"- Si tu gardes cette grossesse Jeanne tu es vraiment une inconsciente! Tu as failli y rester quand tu as accouché de Justine, tu veux faire trois orphelins!"
C'est affreux d'entendre ces mots de la bouche de sa mère, elle ne désire pas comprendre ce que je ressens au plus profond de mon être.
Après l'accouchement de Justine, le placenta est resté attaché à l'intérieur, j'ai perdu connaissance et Dieu merci, je suis là pour toi mon bébé et pour mes enfants, ta vraie famille. J'ai peur, je te promets, j'ai très peur mais personne ne fait pour arranger la situation. Je supporte continuellement la pression de ta grand-mère et de ton papa. Pourquoi je supporte? Par amour, mon bébé oui, par amour. Un jour ils changeront, un jour ils comprendront. J'y laisse ma santé, je dois cesser de les écouter. Mais comment peuvent-ils parler ainsi, comment ont-ils géré leur vie eux, réellement!? Comment peuvent ils diriger ma vie ainsi sans culpabiliser? Seigneur, aide- moi à les comprendre, donne-moi la force s'il te plaît...
Charlie et sa sœur sont venus à la maison pour deux jours, c'est un grand bonheur de les recevoir pour les enfants et moi. Ton grand frère à parler de toi à son meilleur ami et ce dernier lui a dit que nous devons te garder mon ange, qu'il avait hâte avec sa sœur te faire ta connaissance. Ses mots m'ont beaucoup touché.
Je viens d'envoyer un message par écrit sur le téléphone ton papa et celui de ta mamie Karen.
"Si je vous aurais annoncé un cancer cela vous aurez rendu moins cruel avec moi? J'irais jusqu'au bout de ma grossesse, comme vous avez été jusqu'au bout de vos envies sans jamais penser faire mal autour de vous. Alors il est mieux que vous changez d'attitude avec moi. Mon acte est un acte d'amour."
Comme tu dois t'en douter mon petit cœur, je me suis encore prise la tête avec eux. Il faut que cela cesse, ma santé se fragilise de jour en jour. Je veux vivre ma grossesse en paix, ne plus faire mal à ton frère et tes sœurs qui supportent cette ambiance malveillante, par deux personnes qui ne pensent qu'à eux. Un jour, ils t'aimeront. Comment ne pas aimer un petit bout adorable comme toi. Il faut laisser le temps au temps. Nous, ta tribu d'amour, nous serons toujours là pour toi. Quatorze jours de peines et de douleurs verbales, je dis stop.
22.12.2004
Je viens de raccrocher le téléphone mon petit cœur. Je termine une nouvelle dispute avec ta mamie, je vais prendre le frais sur la terrasse. Ton papa me retrouve.
"-J'ai réussi à trouver la moitié de l'argent pour partir. Il me faut demander à mon fils qu'il m'avance l'autre moitié. Mon copain m'en prête beaucoup, bien que je lui doive déjà un paquet d'argent mais, il faut à tout prix que je retrouve Paloma. Il me garde ma réservation jusqu'au jeudi, j'ai mon chèque mercredi, tout se passera bien. Tu ne m'en veux pas Jeanne, tu ne vas pas me faire la tête?"
"- Non je ne t'en veux pas. Je suis fatiguée, je n'ai plus la force de réfléchir à nous deux. Je respecte ton choix, comme je voudrais que l'on respecte les miens. Tu as la tête sur les épaules autant que moi, non?"
"- Et toc, ça c'est bien envoyé Jeanne! Ne penses pas que je ne veux pas m'engager avec toi, c'est faux. Imagine, je vais partir et je fais un enfant à Paloma, qu'est-ce que cela fera?"
"- Mais c'est ton choix! Tu as peur de ce que pensera notre enfant, à ton sujet? Il est peut-être mieux de lui dire plus tard, que tu avais peur de t'engager, que de lui dire quel genre de personnage tu étais, tu ne penses pas? Veux-tu qu'il sache que tu m'as rencontré disant que tu étais seul, au lieu de me dire que tu avais quitté Nadine, parce qu'elle savait qui tu étais. Tu as cassé avec moi, parce que tes parents ne désiraient pas que tu sois en union avec une femme qui a déjà trois enfants. Tu es revenu vers moi, parce que tu étais seul et tu as rompu notre relation parce que tu es parti sur Paris pour travailler. Dans cette ville, tu as rencontré une femme, jusqu'à la présenter à tes parents mais qu'elle ne convenait pas à ta famille. Puis, tu es revenu vers moi un cours instant, parce que tu avais encore des choses à régler avec Nadine qui te relançait. Tu t'es retrouvé seul deux mois et tu t'es souvenu de mon amour, pour ensuite partir en vacances avec tes parents. Tu as trouvé une femme dans ce pays, un coup de foudre, ne pouvant rester seul sexuellement, tout en me jurant amour et fidélité par paroles et par lettres et revenir vers moi de retour en France. J'ai accepté tout cela par amour pour toi, c'est cela que tu veux que je dise à notre enfant?"
"- Tu savais, et tu ne m'as jamais rien dit... En attendant, quand tu m'as dit que tu ne voulais pas prendre la pilule pour avoir un enfant de moi il y a six mois de cela, tu ne peux pas dire que je ne t'ai pas grondé Jeanne!"
"- C'est faux et tu le sais très bien. Nous étions dehors, un soir, tous les deux. Après un câlin, calmement tu m'as dit, être une gentille femme, de vouloir un enfant de toi. Mais tu ne m'as jamais pris au sérieux. En pensant t'amuser avec moi, tu croyais que j'en faisais autant avec toi. Tu as toujours fermé les yeux sur moi, tu ne les ouvrais que lorsque tu avais besoin de moi. Au fait Paul-Antoine, ton ami va te prêter de l'argent pour partir?"
"- Jeanne, mon cœur a toujours été avec toi et tu le sais. Ce voyage est important, je dois le faire pardonne-moi. Oui, mon ami va m'aider."
"- Je sais ton amour pour moi. Je sais ton besoin d'argent. C'est pour cette raison que tu es ici, face à moi, malgré tout ce qui nous sépare. Lorsque j'étais dans le besoin, Paul-Antoine, ton ami à tes dires, n'avait pas d'argent à te prêter. Ni toi, ni lui, ni personne ne pouvait me prêter de l'argent, alors que j'avais beaucoup de mal à joindre les deux bouts en faisant vivre seule, une famille de cinq personnes. Pendant plusieurs mois, j'ai partagé mon argent pour subvenir à tes besoins, sans avoir de retour, jusqu'à te payer des cartes téléphoniques pour appeler Paloma. J'ai acheté tes cigarettes sans dire un mot. Je n'attendais rien de toi, l'amour me le rendait merveilleusement bien puisque tu es resté près de nous et tu m'as rendu heureuse. Alors ne me dis plus que je suis une égoïste, à vouloir garder notre enfant."
Papa était triste mon petit cœur, il a quitté la pièce, il a rassemblé ses effets personnels dans la salle de bain et dans la chambre, il a tout mis dans un sac de sport et la tête baissée il a ouvert la porte d'entrée, sans un mot, sans un regard...
"Je t'aimerais toute ma vie, mon petit ange du ciel, mon bébé d'amour, ma jolie rose, mon avant-dernier voyage..."
J'ai supplié papa de rester jusqu'à la fin, je lui ai pris le bras, il s'est débattu, accidentellement son coude est venu frapper sur mon ventre...
Kévin est entré dans le couloir, papa l'a regardé et il est vite parti s'allonger sur notre lit. Mon petit homme m'a pris dans les bras très fort et il m'a dit, je ne veux pas que tu t'inquiètes ma petite maman, tout va bien se passer, va te reposer...
Dans la nuit, j'ai perdu quelques gouttes de sang...
À tes côtés bébé, j'ai gardé le lit pendant deux jours.
Le vingt quatre décembre, nous avons fêté Noël avec les enfants, papa et son deuxième enfant d'une première union. J'étais très fatiguée mais j'ai essayé le moins possible, de faire paraître ma déprime. Nous sommes ensemble, nous nous aimons...
29.12.2004
Papa est parti ce matin mon ange, pour son grand voyage.
À seize heures trente, je vais pouvoir regarder ta petite frimousse pour la première fois à la télé et entendre ton cœur battre grâce à une échographie.
Papa sera dans son avion et nous, nous serons ensemble!
"- Je suis désolé Madame, ce sont des choses qui arrivent, votre enfant est mort... Vous pouvez rester dans cette pièce, le temps que vous le désirez..."
Le jeudi trente décembre deux mille quatre, Didier vient avec son épouse me chercher à la maison avec les enfants, nous passons la nuit là-bas.
Je n'ai pas fermé l'œil de la nuit. Didier s'occupe bien des enfants. Une bougie blanche est restée allumée toute la nuit, devant la fenêtre.
Le trente et un décembre deux mille quatre, je rentre à l'hôpital à sept heures du matin pour en ressortir à seize heures trente. Une anesthésie générale sera obligatoire me dit-on, le bébé est collé il faut l'enlever à la petite cuillère*...
(*L'utérus est évacué soigneusement à l'aide d'une curette, un instrument en forme de cuillère.)
Un dernier regard avant la fin. Ses petits bras, ses jambes, sa tête, mon bébé est là, devant moi, sans vie, sur ce petit écran. Je ne peux la prendre dans mes bras, c'est affreux. Une dernière caresse sur l'écran...
Tu étais une fille mon ange, je savais. J'ai rêvé de toi un jour, tu étais aussi belle qu'un ange de lumière. Tu m'as dit que tu seras toujours là pour moi. Je t'appellerais, et tu prendras ma petite main fragile dans la tienne...
Pour toi papa de notre petit ange, pour vous qui l'avez aimé à votre façon, pour que personne n'oublie mon histoire et mon bébé, gardé jusqu'à la fin par amour.
En tant que maman, je sais, je l'ai ressenti du plus profond de mon cœur. Angélique sera pour toujours, une adorable petite fille, auprès du Seigneur.
Née d'une belle histoire d'Amour d'automne deux mille deux;
Angélique est devenue une petite rose blanche, d'octobre deux mille quatre.
Quelques semaines après, son petit cœur s'est arrêté...
Sans un cri, sans une douleur, Angélique Jeanne V.
est devenue un petit ange blanc le vingt deux décembre deux mille quatre, sans même voir le jour.
Ces quelques semaines vers le néant, feront en elle sa part de mystère, dans tous nos cœurs.
Forever mon Amour.
Depuis le trente et un décembre deux mille quatre, Angélique sur son petit nuage blanc, nous protègent tous!
Nous qui l'avons aimé, sans même la connaître.
Nous qui l'avons attendu, sans aucun jugement.
Nous qui lui avons laissé le Droit de vivre.
À mes enfants avec mon amour pur, à ma famille et tous nos amis.
-Merci-
.../...
Extrait de : - L. L. D. S. - Tous droits réservés ©