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Sentiments authentiques
18 mai 2015

Lettre à ma mère.

"Telle mère, telle fille,
mais parfois le bouton n'a pas le parfum de la fleur entièrement éclose."
Sophie Cottin.

 

 

 

 

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Une lettre pour toi ma mère, une réalisation entrecoupée pour me permettre de reconquérir mon enfant intérieur petit à petit. Sans te juger, trouver les mots sans te réprimander, sera sans doute un défi délicat comparé aux nombreuses brèches que tu as laissées inconsciemment sous ma peau.
Me dévoiler simplement, m'approcher de ton être invisible, sur un point de vue familier ne sera pas une tâche facile.

Je veux songer à marcher plus librement. Ailleurs, je dois voyager.

Anicroche dilemme entre la maman que je suis et la mère que tu es. Peut-être, pour réussir je devrais juste analyser une rencontre de deux prénoms, deux histoires, deux destins. Il était une fois Jeanne et Karen, deux vies liées par une goutte de sang mélangé à l'inconnu. Un long soupir m'emmène vers ta naissance qui m'oppose dans une contradiction de pensées...

La France sous l'hostilité, en avril mille neuf cent quarante et un, tu as été créé. D'une belle histoire d'amour ou d'un impossible, personne ne sait. Dans l'âge, tu m'avoueras plus tard être née d'une erreur, un accident de parcours en période de guerre. Abandonné bébé, ta toute première demeure a été le foyer. Quelques années de bonheur suivront dans la maison de tes parents adoptifs, mais deux décès précipités de ta nouvelle famille te dirigeront de nouveau dans un second foyer de jeune fille. Peu de temps après, arrivera ta rencontre avec Larry à l'âge de tes vingt ans. Votre mariage rapidement, la venue de Didier un an plus tard, la mienne deux ans après, trois événements joyeux pour t'aider à tourner une page de ta vie et sécher tes larmes.
En dehors de ton début de parcours chaotique, la suite de ton existence a laissé place à des frivolités parfois excessives, en t'amenant vers un jugement de la vie contraire à ma philosophie. Entre nous, une divergence sur la vie vient me faire murmurer silencieusement. Bien que cela fût un sentiment d'échec, dans ma première union j'ai désiré réussir une vie heureuse et épanouie là où mes parents avaient échoué dans leur cycle de vie. En recherchant à donner le meilleur de moi-même, dévouée, toujours honnête et sincère, une envie d'offrir des quartauts d'amour sans attente de retour à ceux qui portaient un regard sur moi, est devenu très tôt une évidence. De ton côté, malgré ta souffrance natale, au cœur de ton âme le mécanisme de ton comportement et de ton empathie mystérieuse a hélas influencé tes choix, au détriment de tes proches. Une double personnalité et une double vie ont rapidement envahi tes pas.

Je sais, nous sommes tous maître de notre destin, me disais tu lors de tes folies passagères.

Ma lettre, mes mots ce soir pour toi doivent cesser ton envie de me vampiriser. Je veux pouvoir réussir à refuser la place d'exigences que tu as laissée sur le rebord de mon berceau. Je ne souhaite plus remplir le vide de ton existence. Si seulement un jour, tu pouvais me comprendre. Si seulement tu pouvais me laisser découvrir la loi du monde à ma façon.

Une lettre extrêmement difficile à écrire, sais-tu. Je suis partagée, malgré tout, entre ton étiquette de mère et les conséquences de tes manigances venant se mélanger dans mon esprit.
Vers ma quête fragile de l'indifférence depuis quelques semaines sans nous rencontrer, je te sais comme une victime innocente et faible, comme tu as toujours été quand je te fuyais. Je te sais aussi joyeuse et parée de toutes les qualités, devant les yeux des autres. À chaque personne où situation rencontrée, ton comportement change si facilement.

Avant de te fuir, je me souviens avoir été la meilleure, la gentille fille à ton image, la fille parfaite. Maintenant, je suis extrêmement inférieure à toi. Une fille banale, inintéressante et méchante. Ta critique a toujours été discrète mais si intense.

L'analyse de notre totale rencontre me torture, ou peut être tout simplement, me fait culpabiliser, encore et encore. Je pense à tous les masques que tu as portés pour mieux me déstabiliser. Des larmes coulent sur mon visage. À quoi bon t'écrire? Je ne dois pas baisser les bras, je dois continuer pour atteindre le meilleur.

Assidûment, tu as été une mère et une grand-mère efficace tout en rendant régulièrement absentes tes émotions, dans une grande facilité. En ce qui concerne ton amour et ta sincérité, ils ont souvent été présents pour ton intérêt. Ta citation favorite; je t'aime gentiment soit redevable envers moi.

Comme une proie vivante dans une toile d'araignée, j'ai été capturée avec le sentiment d'une dette originelle. Si souvent j'ai essayé de te comprendre. De longues heures passées à être à ton écoute. Fréquemment il m'est arrivé d'avoir le sentiment d'être ta mère, dans tes révélations personnelles ou obscènes. Nous sommes liées pour la vie, disais-tu avant de m'abandonner une énième fois, ton panier sous le bras en allant rejoindre ton dernier compagnon. Tu as toujours été certaine que je t'appartenais. Tu te souviens, c'était à l'époque vers mon voyage en hôpital psychiatrique. Tu ne peux savoir à quel point j'aurais tant aimé évoluer avec des parents normalement constitués psychologiquement. Je pense que nous avons tous en nous la nostalgie d'un bon parent.

Un jour de grande déprime, peut-être pour me remonter le moral, une personne de confiance m'a dit, pardonner c'est mettre l'autre plus bas que terre.
Mes besoins, mes désirs, mes droits, bien que tu fasses croire le contraire, ils n'ont, semblent-ils, tenus aucune place dans ta vie.
Je me permets de te pardonner de m'avoir enfermé dans cet hôpital, de m'avoir privé de mes enfants trop longtemps, pour ne pas avoir à faire face à ma dépression.
Je te pardonne de ne pas avoir pris soin de moi, d'avoir ignoré mes demandes selon ton bon vouloir, ainsi par bonheur tu m'as rendu à moi-même.
Je profite aussi de te pardonner des coups violents reçus de l'un de tes amants. il faut avoir connu les coups une première fois, pour ne plus avoir peur d'affronter la colère.
D'une touche délicate avec une grande discrétion, autour de moi tu as admirablement bien semé le désaccord. Même s'il me reste quelques douleurs de manque, je baisse les armes et je te pardonne d'avoir contribué à l'éloignement de quelques membres de ma famille. De ce fait, tu m'as permis d'approfondir le lâcher prise, en acceptant de ne plus rien maîtriser.
Je te pardonne pour ton harcèlement moral en tout temps et en tout lieu. J'ai pu ouvrir grand les yeux et mon cœur. Je sais à présent qu'aucune relation ne vaut la peine de continuer à coup de chantage affectif, dans le seul but de fuir ma peur de l'abandon.
Aimer c'est se donner et partager et non se donner et s'oublier, une pensée à ne pas oublier.
Également, je te pardonne de m'avoir fait vivre dans un climat incestueux avec mon beau-père dit par ses parents comme un être paranoïaque et schizophrène. Pardonner n'est pas oublié. Impossible de déserter dans ma vie les images de lui, de toi ma mère, et de moi à l'âge de mes dix-sept ans dans un plan sexuel à trois, à l'intérieur de tes murs comme à l'extérieur, en pleine nature. Même si par surcroît la honte me colle à la peau, j'ai connu grâce à cela toutes les richesses du temps. Un long chemin de chute et de rechute semé de doutes, d'angoisses répétées, en arrivant au final à connaître ma force de sortir la tête haute. Idem pour mon mécanisme d'autodéfense, qui s'est rondement développé. Avec l'aide de plusieurs années de thérapies, interrompues et reprises, je sais aujourd'hui que revivre reste possible.
De même, je te pardonne d'avoir diffamé prudemment contre moi. Le masque tombera au sol un jour ou l'autre. Je te pardonne d'avoir joué ton rôle de mimétisme parfaitement, de me faire culpabiliser en inversant les rôles. Je te pardonne pour tes contradictions qui m'ont si souvent fait souffrir. Avec le temps, tu as réussi à me protéger des conséquences de la manipulation et de l'emprise des mots. Puis, je te pardonne aussi pour tes nombreux abandons de famille qui renforcent ma force, ma volonté et mon courage d'aimer la vie.

Pour cesser de me torturer plus, je préfère emporter avec moi dans la tombe en temps voulu, tous les éléments cruciaux de tes actes que de venir les coucher sur ma lettre, notre dernier échange. L'éternel sait notre vécu, cela me suffit amplement.
En regardant par-dessus mon épaule, je me souviens de mon comportement à ne savoir jamais comment agir avec toi. Ce qu'il faut taire, ou dévoiler, sans risque de recevoir des éclats méprisables, m'a rendu psychologiquement mal en point dans un éveil de maux corporels. En nous installant dans la durée, étrangement, plus je m'éloigne de toi plus ma santé s'améliore. Dans la paix je souffre de moins en moins.
Une douleur pointue apparaît tout à coup sur ma nuque, je sais que cela vient des souvenirs anciens réveillés.

En bref, même si c'est un long chemin à parcourir de pouvoir réussir à assimiler mes mots jusque dans mes veines, je te remercie de m'avoir fait devenir l'adulte que je suis en réussissant à me détacher à petits pas de tout ce qui m'encombre.

J'ai enfin le droit d'exister.

Cependant, pour l'instant je ne te pardonnerai pas de m'avoir privé de mon vrai papa.

Un jour, dans la lumière, peut-être réalisera tu la chute de tes dérèglements, dans un ultime et unique pardon.

Dans la lecture de mes lignes déjà posées, je recherche un brin d'amour entre nous. Je me souviens d'une phrase qui me revenait souvent au visage. "Nous sommes tes parents et nous avons le droit de faire de toi tout ce que nous désirons!"
Il y a tant de traces empoisonnées, restées en mémoire et imprimées dans mes journaux intimes pour ne pas oublier.
Avant d'abandonner le passé derrière moi, j'aimerais tant comprendre les marques sous ma peau qui bouillonnent mes oreilles d'adulte. Les souvenirs qui flottent dans mes nuits, comme celui de ton empressement à dire du mal de l'un ou de l'autre dans une grande facilité, tes petits-enfants compris, si une chose n'est pas à ton idée. Mais en vain, ma lettre deviendrait trop longue si je perçais entièrement tous les souvenirs.

Tu as entretenu sans regret une rivalité et une mésentente certaine avec pratiquement toutes les personnes que j'ai côtoyées. Parfois, tu ne te cachais plus. Je me souviens être une adolescente, dans un besoin de paix je me suis enfermée dans le cagibi pour pleurer. Tu n'as eu aucune gène devant eux pour me traiter de malade mentale. Je souffrais de tes déclarations, mais c'était de ma faute... Une culpabilisation latente qui te faisait sourire quand parfois je réussissais à te le faire remarquer.
Je vais abréger sur les nombreuses lettres que tu m'as écrit par le passé, me jugeant de voleuse et de méprisable. Je me suis hélas longuement demandé si tu n'avais pas la facilité de juger les autres en prenant exemple sur toi.
Effectivement dans le grand sac de la vie à tes côtés, il est énigmatique de découvrir l'amour. Je t'ai pardonné des centaines de fois, j'étais obligée. Tu m'as tant lavé le cerveau, à cet instant précis je ne sais même plus à quels degrés doit se placer l'amour d'un enfant pour une mère. Je ne sais même pas combien de temps je vais réussir à te tourner le dos.
J'ai peur. J'ai toujours eu peur. J'ai peut-être tout simplement peur, de devenir quelqu'un.
Ma tribu est ma force. J'aime mes enfants plus que ma vie, même si tu as tenté à maintes reprises de mettre en doute mon amour pour eux.
Pendant toutes ces années derrière moi, je n'ai jamais réussi à me plaindre avec des mots à la hauteur de mon vécu. Je suis restée "une chose" mal dans sa peau, incapable d'être aimée comme je suis. Sans savoir ce que je suis.
Malheureusement, comme je l'ai ressentie, ton amour a souvent été de mettre ton enfant en position de soumission et l'interdire à toute forme de rébellion. Avoir été longuement confronté à toi, était comme si j'avais le nez sur un décor sombre dans une lumière qui me renvoie une image déformée de moi-même. Même si par moments, cela me coûte et me fais revenir vers toi, je dois à la hâte quitter ton embrasement.
Je ne devrais plus m'inquiéter pour toi. Tu as toujours réussi à donner une image subjective selon tes désirs, aux personnes que tu côtoies. Tu sauras quoi dire sur mon sujet.
Je suis arrivée à un point où je ne sais même plus si j'ai honte de toi en ayant ôté ton masque ou si j'ai honte de moi, en exprimant ce soir un vécu difficile à tes côtés, à vos côtés.

Je me souviens enfant, je n'avais aucun moyen de vous porter sur mes épaules.
Peu importe, donneuse irrationnelle, j'ai enfilé le costume de la "sauveuse" pour répondre à vos besoins en négligeant totalement les miens. En agissant de la sorte, une fois adulte je suis devenue une personne qui sait remarquablement prendre soin des autres. J'ai été extrêmement attentive aux miens et sans en avoir conscience, je me maltraitais en oubliant de prendre soin de moi-même. Dans mon costume, porté un peu moins à présent pour me libérer, j'appréciais me sentir aimer et accepter.
Aujourd'hui, face à notre relation qui s'étiole je dois réapprendre à vivre, sans béquille, en laissant au placard tant de costumes et de manières. Dans la fragilité de mes rapports avec Larry et toi, ce costume, que je pourrais qualifier comme une névrose avec le temps, a causé un dommage sur plusieurs années de ma vie amoureuse en choisissant aveuglément des personnes éligibles, pour jouer mon rôle d'ange gardien.
Dans la compréhension de ma lettre, je me dis que tu savais l'impact que vos actes feraient dans ma vie. Tu as préféré ne rien dire. Juste, me mettre en garde des personnes qui chercheraient à m'élever en étant moi-même.

Finalement, comme un jeune arbre en été,  ma lettre aura porté ses fruits. Je suis certaine de réussir à présent ma reconstruction. Jusqu'à maintenant, la vie m'a offert des éclats de joie insupportables à tes yeux. Demain, je désire de toutes mes forces me donner la chance de découvrir la joie entièrement. Il faut que je cesse de payer tes souffrances quelles qu'elles soient.

 

L'oiseau blessé prend son envol et devient un aigle.

Une page se tourne, à jamais.

 

Ta fille.

 

*

 

" Ne tremble plus petite fille, nous avons réussi. Pour toi, j'ai aboli plusieurs murs de ta forteresse. Viens Jeanne, fais-moi confiance et ne lâche pas ma main. Ensemble nous irons bientôt courir dans les champs de fleurs sauvages la tête à l'envers. Encore un peu de patience, je te délivrerais fillette. Viens tout près de moi, toutes les deux, disons au revoir à maman Karen."

 

*

- L. L. D. S. - Tous droits réservés ©

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Commentaires
M
"Je sais à présent qu'aucune relation ne vaut la peine de continuer à coup de chantage affectif, dans le seul but de fuir ma peur de l'abandon."<br /> <br /> C'est finalement une belle leçon...
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