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Sentiments authentiques
6 février 2014

Pour le meilleur et pour le pire.

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Cher Adrien.

Une dernière marche arrière vers toi. Une manœuvre sans détour avec la force et sans lacune, pour un jour réussir à poser enfin, un regard paisible sur ma vie future.

Le dix juin mille neuf cent quatre vingt cinq, je vais bientôt avoir vingt ans. J'ouvre la page de mon journal intime et mes yeux font une halte sur la première phrase de mon carnet. "Je désire du fond du cœur enterrer mon passé et croire au bonheur de réussir, là où mes modèles ont échoué."

Toi ma porte de sortie, ma liberté vers un monde meilleur, ami de la famille avec deux ans de plus que moi, rapidement nous sommes devenus très proches l'un de l'autre.
Notre premier baiser sur les lèvres a été lors d’une soirée entre amis. Réservée dans l'âme, quand il est question de parler de ma vie, sans me connaître entièrement et sans penser faire mal malgré tout, nos amis en commun ont désiré me faire une petite blague en me faisant boire quelques alcools mélangés. Touchant à l’alcool pour la première fois, je ne me suis pas aperçue du goût différent de mon verre dans le sirop à la violette, fait maison par mes soins.
Recevoir à la maison était toujours un plaisir et une bonne occasion de faire découvrir mes nouvelles créations. Avoir été une servante sous le toit de mon père adoptif puis, bien plus tard sous celui de ma mère, j'ai eu assez de temps pour m'initier à la cuisine et découvrir mes propres talents dans plusieurs domaines culinaires.
En plus, celui-ci était très simple à réaliser et les violettes parfumées dans le jardin me tendaient les bras. J'étais très fière de ma nouvelle préparation.
Tous les deux, nous avions décidé de laisser nos soucis sous le paillasson, devant la porte d'entrée. Je me suis souvent éclatée de rire, toi aussi. Nous étions insouciants et je pense que ces échappatoires présentées me permettaient d'évacuer mes tensions familiales. Alors le mal de tête le lendemain, a été supportable. C’était assez rigolo d’être sur un bateau sans y mettre les pieds.

Te souviens-tu de notre excitation à vouloir prendre l’air au parc, en plein milieu de la nuit est de faire une partie de cache-cache? Nous nous sommes si bien cachés tous les deux dans les feuillages, le temps d'être retrouvés par les autres, cela nous a permis de nous étreindre tendrement. Tu étais d'une grande douceur, attentif et charmeur. Ce premier soir, j'ai découvert une douce drogue sur tes lèvres délicieuses sans violence. C'était un plaisir agréable.
Notre corps à tous les deux était vierge, ce qui parfois nous rendait maladroits et innocents sur les préliminaires d'un couple amoureux au début d'une histoire.
Dans ce partage d'intimité nocturne, tu me sentais craintive et hésitante. Ta patience m'a donné une impression d'avoir le cœur qui flotte sur un petit nuage. L'heure avait mis son costume de disponibilité rien que pour nous deux. Mon plus grand souhait déposé dans ton oreille ce soir-là, était de rester vierge en me donnant à toi après le mariage. Tu as mis tout en oeuvre pour me faire penser autrement.

 Trois mois se sont écoulés vers une découverte enrichissante pour l'un et l'autre. Après nos nombreux échanges affectifs et dialogues dans beaucoup de domaines, toi mon premier amour, j'étais certaine que tu deviendrais définitivement mon mari devant la loi. Inconsciemment, il paraît que nous recherchons dans la vie des personnes qui portent les mêmes blessures que nous. Nous nous sommes confié beaucoup de secrets, sauf les plus personnels... Mais peu importe, nous étions jeunes et si l’amour était aussi présent qu'il le paraissait, nous serons tous les deux gagnants, pensions-nous.

Du plus profond de mon cœur, j'ai tellement désiré connaitre le gout du bonheur.

Trois mois d'explorations exceptionnelles pour tous les deux, aucune tension.
Originaire du Nord de la France tout comme moi, tu décides de rentrer à Auby pour régler des affaires familiales. On se téléphone tous les soirs, tu me promets de revenir bien vite vers moi au prix d’abandonner tes parents malades qui s’opposent à notre relation, même à oser me téléphoner pour m’injurier. Sylvie, ma future belle-mère ne m'appréciait pas.

« - Comment oses-tu nous voler notre fils, tu n’es qu’une moins que rien. Il n’y a que le train qui n’est pas passé sur toi ! »

J’ai eu très mal. Comment pouvait-on juger ainsi une personne, sans la connaître ?  Il m'a été facile de lui pardonner quand j'ai compris que ton départ de la maison familiale lui brisait le cœur. Elle avait tant d'amour pour toi.
Tu m’écrivais tous les jours, pour me faire patienter. Nous avons échangé des correspondances pendant six mois. Se lassant de voir son frère, sa moitié, son jumeau malheureux, Jacques décide de t'offrir un voyage vers l’amour.

L’homme de ma vie de retour près de moi, j’étais si heureuse. Je me sentais femme pour la première fois. Tout allait bien entre nous, je voulais un enfant de toi, construire ma propre famille. La mienne sera équilibrée. J’en avais la force à l’intérieur.

Enfant, je me souviens avoir espéré quatre enfants, sans papa. Un papa fait mal à son enfant, un papa est méchant.
Proche de toi, je me suis oubliée.
Nous partageons notre petit nid d’amours, dans le même appartement de ma mère. À cette époque, elle vivait seule. Tu n'as eu aucune opposition à venir habiter avec nous.

J’ai tant espéré construire un foyer pour l’enfant que j’allais mettre au monde, en février mille neuf cent quatre vingt huit. Tu travaillais et l’idée de te soumettre d’acheter quelques meubles est vite tombée à l’eau quand tu me disais souvent :

« - On est bien ici, chez ta mère, Jeanne. Pourquoi s’embêter à payer des factures alors que l’on peut s’acheter des choses bien plus intéressantes. On verra cela plus tard, cesse de t’inquiéter. »

Tu étais heureux dans ton petit confort matériel. Tout en donnant une participation financière tous les mois à ma mère, tu pouvais t’acheter une chaîne musicale de haute fidélité, t’offrir les dernières musiques de groupe de chanteurs préférés et j’étais à ta disposition quand tu avais envie de faire l'amour.

Manque d'espoir, le temps de l'indifférence montre son nez. À peine deux ans à tes côtés, plus rien ne te ressemblait. En prétextant vouloir mon bonheur, les masques sur ton visage m'ont très vite déstabilisé.
Les fins de semaine après le travail, tu m'emmenais en course et sans ma présence tu allais te balader dans les rayons pour draguer les filles.

"Tous les hommes font ça après le travail, on bosse il est normal que l'on décompresse un peu avant de rentrer! Tu n'arriveras pas à me mettre en cage alors cesse d'être jalouse c'est toi que j'aime ma chérie!"

De retour à la maison, au carnaval familial si j'oserais dire, tu enfilais rapidement le masque de la douceur. Chaque soir, tu étais fatigué pour m'aider à débarrasser la table dans la cuisine en prétextant réchauffer ma place au lit. Chaque soir, tu trainais dans le salon pour apercevoir ma mère en chemise de nuit transparente...

Pour écarter tes sauts d'humeur journalière, je m'abstenais fortement de te faire remarquer tes habitudes parfois trop choquantes.

Concernant nos rapports sexuels, je ne réussirais même pas à t'en parler correctement.
Petit à petit, ils sont devenu très rares. Je te fuyais. Je fuyais tes mains, ton corps, tout ce qui me rappelait une maltraitante passée avant de te rencontrer.
Je suis devenue ta "chose", ton meuble chauffant, la réalisation de ton excessif fantasme.
Souviens-toi, je devais me mettre dans la peau d'une poupée, nue, assise à côté de toi sur le lit. De longues minutes, qui pour moi paraissaient des heures, tu jouais avec ta poupée...

Je ne peux retourner sur ce passage de ma vie, seuls toi et moi savons.

Tu m'as promis la liberté pour m'enfermer dans ton monde.
L'unique personne où je pouvais aller chercher secours était ma mère, bien évidemment. Elle savait parfaitement comment tirer mes ficelles et aux yeux de ceux qui nous entouraient, tu étais presque l'homme parfait.

"- C'est ainsi la vie, Jeanne. La femme doit être soumise à son mari et satisfaire tous ses moindres désirs sans avoir à dire son mot. Tu as voulu la liberté, tu assumes maintenant!"

Face à ses mots, ses nombreux regards, face à ta présence, tes masques, je n'étais plus une adulte. De jour en jour, pour votre bon plaisir, de nouveau j'avais l'impression de me comporter comme une petite fille angoissée à chacune de vos paroles.

Le seul acte d’amour certifié, à mes yeux, a été de désirer l’enfant que je portais.

Ma poupée d’amour, ma douce Sarah, a comblé mon cœur de maman dès sa venue au monde, le trois février mille neuf cent quatre vingt huit.

La vie a suivi son cours avec quatre personnes dans le même foyer, sous des aspects différents pour chacune. Un mode de vie qui m'a obligé de continuer à écrire à côté du silence pour me sentir vivante.

Pour toi, l'ouverture d'un de mes journaux intimes.

"Dix-huit septembre mille neuf cent quatre vingt huit.

Mon cher journal, voilà quelques jours que je ne suis pas venue à toi, étant invités au mariage de Didier et Laura son épouse, ce dix juillet. Pour cette occasion, toute la famille de mon demi-frère était présente. De mon côté, mon mari et ma mère paraissaient avoir un côté positif et amusant. Leur humeur m'a permis de souffler un peu pour ce jour de fête.
Je me demande dans quel lac je vais être obligée de plonger demain?
Le pire semble encore présent. Je n'ai plus d'amis, plus de famille, ma mère se transforme en bourreau d'enfants et mon futur mari me fait de plus en plus peur. Je suis sans argent, sans toit, je n'ai plus de maison, plus d'amis et plus de cœur. Je dois subir, je suis née pour subir. Heureusement, seuls l'amour et son immensité pénètrent encore mon corps.  Je me demande d'où me vient cette force intérieure qui me permet de tenir debout.
Ne sois pas inquiet mon cher journal, l'amour vit en moi et m'apportera, le plus longtemps possible, une force décuplée pour les miens.
Ma fille mon enfant, mon plus beau rêve est arrivée dans ma vie. Elle ne sera pas la dernière, si la vie m'en laisse le choix je vivrais à travers eux en leur offrant tout ce que j'ai manqué.
Je me sens bien ce soir à tes côtés, tu es le seul avec qui je peux parler, sans barrières, sans me faire culpabiliser...
Le mois dernier, la vie m'a offert un répit de quelques heures, cela m'a soulagé un peu. Retour à la réalité. Vingt quatre heures de bonheur envolés précipitamment. Une fois le mariage terminé, deux jours plus tard sans un mot, sans un au revoir, l'homme qui m'a reconnu et élevé pendant plusieurs années est rentré chez lui en compagnie de sa mère et de sa nouvelle épouse.
De nouveau, je n’existe plus à leurs yeux. Ma vie se répète inlassablement.
Mes larmes coulent sur mes mots, je me demande si j’ai existé un jour, pour eux…
J’ai été très malade. Selon le médecin, j’ai déclenché ma première crise d’asthme. Il m’a prescrit une série de piqûres pour quinze jours et je dois me reposer le plus possible.
Un repos bien difficile avec les sept mois de ma petite poupée, mon cœur, ma vie, Sarah. Comme je l'aime!
Tu la verrais, elle est si belle avec son sourire malicieux lorsque je viens la chercher dans son petit lit rose. Pour elle, pour mes futurs enfants, je donnerais ma vie..."

Je me demande ce que tu peux ressentir à lire un petit bout de ce journal, Adrien.

Dans les jours qui ont suivi mes mots, tu as décidé de m’échapper dans un éternel refrain du métro, boulot, dodo. Les dialogues n'existaient plus. Notre complicité a pris place à la routine, jusqu’à ce que je décide de t'offrir un autre enfant, l’enfant de la réconciliation.
Ma mère de moins en moins à la maison, batifolait dans les bras d'un seul homme. Tu semblais être redevenu "normal", heureux de notre nouvelle naissance.

Un jour ma mère m'a dit: "bien heureux l'abruti qui décide de faire un enfant pour consolider son couple!" "Si notre fils doit arriver, qu'il en soit ainsi. J'aime à croire que de me classer dans la génération des abrutis bien heureux, me sera profitable. Devenir une "con-jointe" respectable, donner la vie et ma vie pour mettre au monde l'enfant de l'univers est la plus belle réussite, qui puisse m'arriver."

En mai mille neuf cent quatre vingt dix, ma mère et toi travaillaient beaucoup, nous avons décidé tous ensemble de faire venir la nouvelle épouse de Larry à la maison, afin d’être à l'écoute pour notre douce Sarah heureuse de la naissance et surtout, être l'aînée, de son petit frère.

Mon deuxième accouchement a été très difficile.
La veille, à la maison, j’ai eu beaucoup de fatigue. Je suis restée au lit pendant plusieurs heures et, la nuit du deux aux trois juin, prise d’une très forte crampe dans le ventre, je me suis mise à crier et à pleurer de douleurs.
Mon lit était trempé. Cet incident ne t’a pas fait bouger du lit. Je t’ai réveillé en sursaut. Je me suis hissée sur le côté du lit pour que tu puisses regarder ce qui se passe. Tu m’as répondu d’un air banal :

« - Ce n’est rien, tu as dû faire pipi, rendors-toi Jeanne, on verra demain. »

Tu est retourné dans ton sommeil, tranquillement. Prise par une grande fatigue, j’en ai fait de même.
À un moment aussi difficile, je n’ai pas compris ta réaction mais, je n’avais plus aucune force pour penser et réagir. Un laps de temps après, mes hurlements ont fait entrer ta belle-mère et la mienne dans notre chambre à coucher. Mon bébé Kévin, ma deuxième boule d’amour a décidé qu'il était grand temps de montrer ses petits bras costauds et de faire face à la vie qui l'attendait impatiemment. L’ambulance a été rapide pour arriver, nous étions à dix minutes de l’hôpital. De mon lit à la voiture, une civière souple m’a transporté rapidement.

 « -Ne poussez pas Madame ! »

Souviens-toi, la recommandation de l’ambulancier ne m’a servi strictement à rien. Je ne pouvais plus rien contrôler. Trop agité de ressentir l'indifférence de son papa, Kévin a décidé d’arriver comme une lettre à la poste.
Le sourire de mon petit mec, mon petit costaud blondinet m’a fait vite oublier les douleurs d’une épisiotomie de sept points, un gros hématome et une immense fatigue qui sera encore bien temps de retrouver avant de rentrer à la maison.
Tant d’amour versé, tant d’effort pour ne rien changer.
Tu n’as toujours pas assisté à l’accouchement Adrien, trouvant cet acte sale.
De retour à la maison, malgré la joie de nos bambins, tu es devenu avec moi distant, capricieux, égoïste et j'en passe.
Étant maintenant une mère à temps complet, tu semblais avoir la conviction que je ne te serais plus d’utilités.
J’étais si fière de t'avoir donné un fils. Jamais tu ne m’as remercié. Et lorsque je t'en faisais part, tu me répondais brièvement, c’est la vie qui as fait ce choix.
Une seconde routine s’est imposé à nous. Je devenais bien plus qu’un vulgaire meuble chauffant jetait dans un coin quand je ne servais plus. Ce qui arrivait souvent. Nos rapports sexuels étaient très espacés. Comment pouvais-je aller vers toi, alors que tu reflétais tant mon passé ?

Tes journées, étaient inlassablement les mêmes : le réveil sonne, le café prit dans la cuisine à remuer ton sucre pendant plusieurs minutes, le travail. Tu partais la journée et le soir, ton retour à la maison: café, douche, musique, repas, la sortie du chien, la télévision et le sommeil.

Le samedi, aller faire les courses s’ajoutait à ton emploi du temps et parfois, quelques câlins avec tes deux enfants. Ta collection de briquets était aussi très importante pour toi.
Je n’ai eu qu’une solution, subir et encore subir.

À cette époque, j’ai fait la connaissance d’une dame, habitant à quelques maisons au-dessus de chez nous. Elle était gentille, souriante, serviable. Sabine, de son prénom, était veuve et avait cinq enfants à charge. À sympathiser, les enfants venaient quelques fois à la maison sans leur maman. Ayant l’âme d’une sauveteuse, je les accueillais avec plaisir, surtout quand ils se chamaillaient pour des soucis d’adolescence et de rivalité. On en discutait et ils quittaient la maison le cœur joyeux.
Et puis un jour, l’amitié entre Sabine et moi a pris fin quand ses enfants ont semé la zizanie dans notre ménage. Ne pouvant plus te parler comme auparavant, mon seul compagnon de route le plus fidèle restait mon journal.

"Treize septembre mille neuf cent quatre vingt dix.

Mon cher confident, je suis si fatiguée, si tu savais. J’ai mal au cœur depuis plusieurs jours, j’ai des migraines horribles, j’étouffe de ces douleurs intérieures, j’ai l’impression que je ne vais pas tarder à sombrer dans la folie. Je n’ai plus de force…
Je vis un terrible combat."

En novembre mille neuf cent quatre vingt dix, l'une des filles de la voisine, la plus jeune devient amoureuse de toi.
N’ayant plus son papa à ses côtés, Rica s’est liée d’amitié de plus en plus fort avec toi et, de jour en jour, cette amitié a pris place à l’amour. Elle devenait très jalouse de moi. Elle faisait tout pour te rencontrer et te retrouver seul à seule. Elle était féminine au bout des doigts, chemisier transparent, rouge à lèvres très prononcé. Pour une enfant de treize ans, son désir de plaire était frappant.
Pour toi, cette jeune amoureuse a vite retrouvé ses poupées sans explications, quand un jour elle a avoué être amoureuse de toi lors d'un repas de famille. Rica pensait que cet affront était de ma faute. Elle m’en a voulu terriblement, mais la préparation de notre mariage arrivant en janvier prochain, je n’ai pas eu le temps de lui expliquer les choses différemment.
J’aurais aimé, avec cette jeune enfant, avoir un peu de psychologie, lui dire que sa réaction était normale à la vue de son parcours familial. Lui dire, tout simplement, que je ne lui en voulais pas. Je n’ai pu partager ce sentiment de compréhension avec personne. Comme toujours pour ces choses-là, ma place était dans l'ombre.

Pour notre mariage, nous recevons nos familles, beaucoup de stress m’envahissait. J’allais rencontrer face à face pour la première fois, ta famille. Mettre nos rancœurs de côté et regarder devant a été ma devise tous les jours que Dieu fait.
Par ton insistance, les deux filles de la voisine étaient aussi invitées au mariage Agnès et Christine.
Agnès et toi étiez devenus très complices. L’échange de regards timide, des mots et des gestes un peu trop déplacés. Sur ces faits passés, tu avais toujours une réponse dans la poche en m'envoyant avec le plus beau des sourires d’un homme avant son mariage :

« - Tu es trop jalouse Jeanne, fais-moi confiance. »

Un soir aussi, Agnès sur tes genoux, souviens-toi. Elle avait culbuté dans le pied du fauteuil. Fâché de vous avoir surpris tous les deux sur ce fauteuil dans une position osée, tu as quitté la pièce avec une pulsion d’agressivité. En débarrassant la table, tu as jeté le plat dans l’évier...
Décidément, je n’avais aucun mot à dire. Comme une huître, sur moi-même, je me refermais en silence.  Les jours passaient à une vive allure. Je devais poursuivre mon chemin en assumant toutes les charges de la maison et l'éducation des enfants, mon meilleur bonheur.

 Ma mère était de plus en plus absente. Elle roucoulait des jours heureux dans l’appartement de son chéri.
Enfermée à la maison très souvent, je me sentais si seule avec les deux petits. Toi aussi tu semblais te sentir seul. Toutes raisons étaient valables pour me tenir rancune. Au bout de deux semaines tu redevenais tendre, attentif et attentionné envers nous.

« - Tu as raison Jeanne, Agnès vient trop souvent à la maison, tu devrais lui dire. »

Tu étais d'une grande gentillesse, enfin je retrouvais un bout de toi, un bout d'espoir...

« - Ma douce Jeanne, pourquoi ne ferais-tu pas venir Agnès à la maison, pendant la sieste des petits, nous pourrions faire un jeu de société ? »

Ton comportement me surprenait, j’avais envie de comprendre. Sur le moment, j'ai acquiescé à ta demande et nous avons passé un agréable moment. Quelques heures après, j’ai essayé de parler à Agnès de cette situation qui m’attristait intérieurement quand tu as emmené le chien en promenade. Sa version, le sourire aux lèvres, ne me surprenait pas, dans un sens.

« - je te comprends bien Jeanne, mais lorsque je veux partir et vous laisser dans votre intimité, ton mari me dit toujours, reste Agnès, tu ne nous déranges pas. »

Une ambiguïté qui a été trop vite ou trop près du mariage. Trop occupée, je n’avais même plus le temps de réfléchir. Je devais être moins jalouse, j’avais confiance en mon mari, n’est ce pas assez, Adrien . Je n'avais plus le choix de faire machine arrière de toute façon.
J’ai acheté ma bague de fiançailles toute seule. Ma mère pour seule témoin, les enfants, toi et moi avons immortalisé en arrosant ce moment, sur le coin de table de la cuisine, après avoir fini d’y peindre les murs.  Pour moi, pour mon vécu, c’était normal. Pour ma mère et toi, je ne sais pas. Et je ne le sais toujours pas, personne n'en a reparlé ensuite.

Un nouveau tournant de ma vie se déroule, le quinze janvier mille neuf cent quatre vingt onze, à quinze heures à la mairie centrale, place de l’horloge à Avignon.
Je ressentais quelque chose, mais je n’arrivais pas à définir ce sentiment d’inquiétude qui me hantait depuis quelques jours. Avant de nous présenter devant Monsieur le maire, j’ai eu le temps de te glisser quelques mots à l'oreille.

« - Une seule bêtise avec Agnès, je te laisse sur place avec les invités et je rentre seule. »

Que de souvenirs pour nos enfants...

La voiture des mariés a été décorée par ma mère, le chauffeur était le mari de Christine qui devait être aussi ton témoin. Mais, après une difficulté à faire démarrer sa voiture, un petit contre temps l’a empêché de se rendre à la mairie. Larry et Liane ma belle-mère, ont aussi eu un léger contre temps pour être témoin de la mariée. C’est un mariage c’est normal ces petits incidents, m’a-t-on dit.
Heureusement, nous avions décidé de choisir chacun deux témoins. Après les signatures apposées au registre, nous nous dirigeons, mariés, famille et amis, quelques voitures pour une vingtaine de personnes vers le domaine Escalé, là où sans ta présence, j'étais venue louer trois mois à l’avance. Une grande salle joliment décorée de fleur et de guirlandes, un bar privé, une chaîne musicale, une piste de danse, quelques banquettes, une petite pièce bien agencée en retrait loin du bruit pour accueillir nos deux bébés. Une table en U, les mariés au centre, rien ne pouvait manquer dans ce beau domaine.

Au bar privé un très long moment, tu as décidé d’enterrer de nouveau ta vie de garçon. Un peu plus tard, les invités impatients, j'ai décidé seule de les inviter à passer à table. Pour s'amuser, mon demi-frère a eu envie de s’amuser un peu plus, en faisant valser la nourriture présente sur le buffet. Tu es devenu rouge de colère en envoyant un verre dans la pièce, quand tes yeux se sont posés sur ton frère très proche de ta petite protégée, Agnès.

J’ai le cœur qui palpite. Ces émotions me semblent être vécues hier.  Je me demande où je vais puiser ce courage de retourner en arrière, fouiner les moindres détails qui n’ont aucun mal à refaire surface.  Tant de traumatismes, tant de peurs, tant de soumission, pour un meilleur, pour un meilleur Jeanne…

Des éclats de voix assez violents ont fait fuir Didier et sa femme de notre mariage. Je me suis demandé si leur folie était voulue. Pendant les photos, ils n’ont pas désiré être présent avec nous et, je n’ai même pas eu les félicitations, aucun geste fraternel. Enfin, ce n'est qu'un détail parmi tant d'autres.  Ils sont partis et l’ambiance est devenue plus calme. Il me manquait quelqu'un malgré tout. Un homme qui aurait eu la fierté de m’emmener à la mairie.

Pour les tenues des mariés, il n’y a pas eu d’extra. tu désirais te marier mais à une seule condition, être en Jean. Tu trouvais le costume ridicule pour cette occasion. J’aurais aimé porter la robe longue, légèrement colorée mais, il ne fallait pas se rendre ridicule. Par obligation, j’ai opté pour une jupe évasée, à hauteur du genou agrémenté d’un spencer en jean aussi, puis un petit voile blanc sur les cheveux. Un mariage simple pour un couple heureux était suffisant pour la famille, disais-tu.
Danse, cotillons, tout le monde s’amusait, sauf moi. Tu ne te retournais pas sur Agnès, ni sur moi de toute manière. 
Liane et Larry sont arrivés à minuit, enfin. Larry m’a pris dans ses bras et m’a chaudement félicitée. Une chanson de François Feldman est passée, intitulée ‘Valses de Vienne'. 
Larry ou un autre, le prénom n’a eu aucune importance. La première danse à mon mariage, à minuit trente a été en compagnie du papa qui était dans mon cœur. J’étais heureuse.
Nous sommes rentrés à la maison, le lendemain à six heures du matin. Pas de nuit de noces, pas de cadeaux de mon époux. Quelques jours après, ma famille est belle famille sont rentrés à leur maison et Madame routine à repris son abonnement.
De jour en jour Karen devenait très indépendante en prenant très peu les repas avec nous. Peut-être n’a-t-elle pas apprécié, le soir où je lui ai demandé d’avoir la gentillesse d’enfiler une robe de chambre, au lieu de se présenter devant mon mari nu sous sa chemise de nuit transparente. 
Tu m'as souvent remis en mémoire ce souvenir, Adrien.

La maison était sous tension. Ma mère a les nerfs à fleur de peau, elle craque. Une mauvaise parole envers toi, une réflexion déplaisante, à croire que vous attendez cela tous les deux. Un mot, en est venu à un autre, une dispute très méchante a pris place entre vous.  Le lendemain et les jours qui ont suivi, tous les deux vous êtes restés sur vos positions.  Karen attendait un pardon venant de son gendre avant une explication, toi tu as jugé bon de ne pas t’abaisser.  Je ne m’en suis pas mêlée ayant déjà assez à m’occuper des deux enfants afin qu’ils ressentent le moins possible, cette situation familiale difficile à vivre. Ma mère ne supportant plus ce manque de respect, elle a décidé de déménager. Sa décision a été rapide.

Nous vivions chez elle, j’ai trouvé juste qu’elle emporte avec elle tous ses meubles, frigidaire, machine à laver, gazinière compris. Lors de son déménagement, Karen m’a dit :

« - Je n’oublierai jamais ce qui s’est passé. Je ne désire pas recevoir Adrien dans mon nouvel appartement. Tout est terminé Jeanne. »

« - Je comprends maman mais, je dois assumer. Il est mon mari et le père de mes enfants. »

Un peu plus tard, Karen m’a avoué avoir respecté mon choix.

En mars mille neuf cent quatre vingt onze dans son nouvel appartement, elle semblait tranquille et heureuse.
Tu as trouvé un travail Adrien, dans le bâtiment. Tu es devenu plus calme à la maison. Nous avons meublé notre appartement vide avec quelques meubles et bibelots que nous avons trouvés dans le garage de Karen. J'ai lavé le linge à la main, j'ai préparé le repas pendant quelques semaines, sur un réchaud de camping et une glacière nous servait de frigidaire.
Benoit, l’ami de Karen, est venue s’installer avec elle ne supportant pas la solitude. Ainsi, nous avons pu hériter du petit frigidaire de Benoît et, Karen nous a acheté un petit gaz de camping, plus perfectionné que le précédent.

Dans le début de ce nouveau voyage, tu m’aidais Adrien, surtout pour essorer tes jeans ou bleu de travail, à la main. Un mois plus tard, notre situation recommencé à se décliner. Toutes les corvées ménagères étaient pour moi, hormis se rendre à ton travail tu ne faisais plus rien dans ton foyer. Pour nous, tu étais fatigué de ton travail sur les chantiers. Pour Agnès, tu étais en forme et toujours disponible. Ta voix était sèche quand tu parlais à tes enfants et, ta voix était si douce quand tu parlais à Agnès. Elle de son côté, était féminine à souhait pour ne pas dire provocante.

Je retrouve un mot écrit de ma main dans un journal, il n'y a pas de date...

"J’ai mal, cher journal d’avoir à te parler de cela. Je dois continuer, excuses moi si je pose sur le bas côté les détails de cet instant de ma vie. Adrien mon mari, lui qui restait toujours très timide devant les gestes et les mots de l’amour, au tout début de notre rencontre, ne m’appartient plus. Vois-tu, avec le temps, tu finis par comprendre. Les hommes, mon cher confident, n’ont pas toujours le courage devant les raisons du cœur. La plupart des hommes, préfèrent fuir par peur d’avoir à assumer une chose qui semble leur échapper. Vivre le véritable amour à plein poumon. Je dois cesser de croire à mes rêves pour survivre."

Le grand boum arrive Adrien. Excédée de ta bonne humeur en présence de ta seule protégée Agnès et lasse de ta nonchalance envers nous, j'ai osé te poser un ultimatum:

« - Il te faut faire un choix Adrien, Tu choisis entre Agnès et sa famille ou ta femme et tes enfants."

Un lourd silence planait dans la pièce ce soir-là.

« - Ce sont eux Jeanne. Je ne ressens plus rien pour toi. »

Je ne peux à nouveau t’en écrire plus Adrien...
Le ciel est tombé sur ma tête. J'ai tant souffert.

Les jours qui ont suivi ont été affreux. Haine, violence, indifférence, mépris. J’ai ressenti la méchanceté d’un homme de vingt sept ans qui ne pouvait

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accomplir ses envies amoureuses envers une gamine de seize ans!
Tous les deux, vous avez décidé de former un couple unique: les diaboliques.
La situation dans laquelle je vivais, a déclenché une forte dépression. Et pourtant, je devais rester debout pour mes deux moitiés, mes enfants. J’ai perdu dix kilos en un mois. Une nouvelle série de piqûres m’a permis de garder la tête hors de l’eau.
Tu ne cachais plus ta liaison avec Agnès, Adrien. Tu me rejetais violemment, les enfants présents ou non. Tout s’est écroulé comme un château de cartes à jouer, construit sur un tas de sable.
Un soir, en revenant du travail, tu as franchi le seuil de notre maison avec un copain, Patrick. Ce qui arrivait certains soirs, puis pratiquement tous les soirs. Après le repas, vous sortaient tous les deux et quand vous revenaient à la maison, vous regardant par la fenêtre je pouvais vous voir venir d’un chemin et Agnès de l’autre.
J’ai si souvent déposé nos deux bouts de choux dans un foyer calme pour qu'ils ne soient pas témoins des scènes entre nous deux. Bien trop souvent, hélas. Parfois chez ma mère, parfois chez Laura et le plus souvent chez leur marraine, Nathalie. Et moi impuissante, à la maison, je m’enfermais dans la salle de bain pour éviter de croiser le regard méprisant de mon mari. J’épiais tes pas, j’écoutais minutieusement tes moindres mots pour aspirer à un moment de tranquillité seule dans mon chez moi, où mes repères semblaient s’évaporer peu à peu. Je me souviens de quelques mots du début d'une phrase de Patrick :

« - Elle est belle ta femme ! »

Et tu lui as répondu, Adrien:

« - Si elle t’intéresse tu peux la prendre, ainsi tu me rendras plus libre avec ma chérie. »

L'année mille neuf cent quatre vingt onze pendant plus de cinq mois, pour toi je devais accepter la situation sans dire un mot. Je n'avais pas intérêt de me plaindre. Ainsi, cela te permettait de patienter aux dix-huit ans de cette jeune fille, tout en gardant le confort que pouvait apporter ta femme. Tes biens personnels n'étaient juste qu'un lit de deux personnes et une chaîne musicale, le reste m'appartenait.
Pour toi, être à tes yeux une femme extrêmement soumise et battue était tout à fait normale.
Le matin très tôt, je te préparais le repas et, je m'empressais de partir en course pour acheter à manger pour les petits quand ils n’étaient pas à la maison. Et surtout pour éviter le regard des autres, en me rendant au supermarché du coin avec appréhension. J’étais obligée de passer devant la maison de la maman d’Agnès. Là sous leurs fenêtres, à cet instant et de toute façon, à n’importe quel moment de la journée, je me faisais traiter de tous les noms cruels par cette famille. Il me fallait porter ma croix, vivante et les pieds sous terre. Parfois prise de lassitude, je réagissais face à toi sans réfléchir.

« - Détournement de mineur, cela peut aller loin pour toi, Adrien ! »

Avec rapidité, tu as foncé sur moi. Tu m’as attrapé les deux bras et tu m’as jeté avec toute ta force sur un meuble. Je me suis retrouvée à terre, sur un meuble cassé, tétanisée. Je me suis traînée au sol pour attraper le combiné et téléphoner à ma mère, profitant de ton passage dans la chambre à te déshabiller, pour aller te coucher.  Une heure plus tard, la police est arrivée à la maison, sans ma mère. Entre-temps, j’ai nettoyé les dégâts et quand la police m’a dit venir chez moi suite à un appel téléphonique de ma mère, je leur ai répondu que ce n’était qu’une petite dispute entre un couple, que tu ne m’avais fait aucun mal, d'une immense peur que mes mots viennent déclencher un acte beaucoup plus grave. Un des policiers a dû me comprendre, il m’a répondu :

« - Un mot de vous Madame, et votre mari va en prison! »

Il m’a été impossible de lui en dire plus. Faire enfermer le père de mes enfants en prison, je n’avais pas le droit. Le lendemain matin, ma mère est venue me chercher pour passer la journée chez elle.  Le docteur est passé à son domicile, souffrant beaucoup de mon dos. J’avais tout de même une plaie de dix centimètres. Le médecin m’a fait un certificat si je désirais par la suite, déposer une plainte contre mon mari. Le soir, je suis rentrée à la maison.

Tu vois Adrien, en te décortiquant mon journal intime un peu comme une lettre de jugement me dirais tu, je pense avec le recul ne jamais réussir à décrire quelque chose de beau comme un écrivain pourrait exprimer dans un livre. Non pas avec toi, pas avec ce que j'ai vécu à tes côtés. Cela m'est impossible.

 Je me souviens avoir été obligée de me rendre au commissariat du quartier afin de leur exposer ma situation familiale, régulièrement. Quelques jours auparavant en rangeant du linge dans l’armoire, j’ai trouvé sous un de tes maillots, un petit revolver. Les enfants à la maison, j'ai eu très peur pour eux. Notre maison a été sous surveillance pendant quelques jours ainsi que tous tes faits et gestes. Ce qui bien sur, tu n'étais pas pour autant inquiet. Je ne sais comment tu as fait pour faire disparaître cette arme, une semaine plus tard elle n'était plus dans l'armoire. Par moments, dans ta ceinture de pantalon, tu cachais une arme blanche, un couteau assez fin mais long. Parfois, je pouvais le deviner à travers tes habits. Tout a été noté au commissariat dans des mains courantes, mais tant qu'il n’y avait pas de sang ou de plaintes, ils ne pouvaient rien faire, m’ont-ils dit.
Je me répétais inlassablement, la police sait tout, ainsi je suis rassurée. Mais rien ne changeait pour autant malheureusement. C’était toujours les mêmes mots, les mêmes reproches dans ta bouche Adrien et les mêmes plaintes à ma mère, de ma bouche :

« - Adrien est comme un fou il veut me tuer ! Dépêches-toi maman vient me chercher je t’en supplie ne me laisse pas mourir ! »

Je me souviens aussi, être obligée de prévenir la police, lorsque je quittais le domicile conjugal pour plusieurs jours, pour éviter que tu fasses constater un abandon du domicile conjugal pour me mettre tout à dos. Et cette journée ensoleillée souviens-toi Adrien, le bouquet de fleurs sauvage cueilli par Patrick déposé pour moi sur la table du salon. Je me suis dépêchée de mettre les fleurs dans l’eau et j'ai installé le vase bien en évidence sur la table quand vous étiez à la promenade du chien. Une façon a moi de lui dire merci avant de retourner à l'abri dans la salle de bain fermée à double tour. 
Sans oublier ce fameux jour, les enfants présents à la maison, tu as mis la musique très forte sans te soucier si tu allais déranger le voisinage. Une voisine a osé venir frapper à la porte pour te demander gentiment de baisser le son. Tu ne l’as pas écouté. Elle est revenue une trentaine de minutes après, ce qui t'a mis très en colère. Le ton a monté et la voisine a répondu:

« - Au lieu d’aller batifoler avec une gamine vous feriez mieux de vous occuper de votre pauvre femme et de vos enfants ! »

Dans cette période, tu buvais beaucoup trop d’alcool, tu ne réussissais pas à te contrôler quand quelque chose ou quelqu'un venait en travers de ta route. Avec haine, tu as claqué la porte d’un coup de pied et ensuite, tu as tout cassé à l’intérieur de la maison. Bibelots et cadres valsaient dans la pièce, les meubles prenaient tes coups de poing , la vaisselle à l'intérieur était en miettes. Tout ceci, sous les yeux de nos deux enfants en larmes et apeurés dans leur lit… Puis seul, tu es parti de la maison. Je me suis retrouvée en pleine crise de nerfs. Ton copain Patrick, est resté à la maison. Il a fait venir la voisine et tous les deux, ils ont nettoyé la maison avant ton retour, pendant que j’essayais de calmer les enfants pour ensuite, téléphoner à leur marraine Nathalie et les déposer en sécurité à nouveau pour quelques jours.  Le soir, Adrien, tu es rentré à la maison et sur la banquette tu as dormi rapidement. Tu n'as pas touché à ton repas que je t'avais apporté pour fuir ton énervement ou tes coups.  Une heure plus tard tu te réveilles, ton pied te fait terriblement souffrir . Tu appelles une ambulance et tu décides de partir seul à l'hôpital. Ton ami Patrick, était toujours à la maison. Sa présence masculine, attentionné avec moi, m’a vraiment réconforté. J’ai compris bien plus tard qu’il restait présent à la maison régulièrement, pour éviter un drame.  Quand tu es revenu de l'hôpital, en silence, tu as retrouvé ta chambre. Nous faisions chambre à part. Comme il était tard, Patrick a dormi sur la banquette du salon. Pour la première fois depuis bien longtemps, j’ai retrouvé une sécurité dans la chambre des petits, en barricadant tout de même la porte avec une chaise et un petit meuble, comme tous les soirs. Le lendemain à mon réveil, Patrick n’était plus à la maison.

De cette situation traumatisante, mes nerfs ont de nouveau lâché et une nouvelle série de piqûres m’a été prescrite afin de pouvoir rester toujours debout pour les enfants.  Patrick est devenu plus présent à la maison à la vue de tant de disputes et de violences, de la part de celui qui devait jouer le rôle d’un mari aimant envers les siens.
Tu as décidé de faire venir Agnès à la maison quand j’étais absente mais, j’arrivais toujours à le savoir puisqu'elle me laissait un indice par un bracelet sous le lit dans notre chambre à coucher ou, une paire de boucles d’oreilles dans la salle de bain.
Si quelqu'un venait sonner à la porte, Patrick allait ouvrir pour limiter les dégâts, surtout si c'était Agnès. Il m’est arrivé aussi, deux à trois fois par semaine de réveiller les enfants en pleine nuit pour les emmener chez une voisine. Il m’aidait aussi minutieusement, dans cette tâche.
Je sais que sans lui je n’aurais pas survécu à l’acharnement de haine et de mépris que toi mon époux, me faisait vivre. Chaque heure, chaque minute, chaque seconde je vivais dans l’angoisse.
Tu ne te cachais plus Adrien, puisque tout le voisinage était informé de la situation. Tu pouvais sortir librement avec Agnès.
De jour en jour je chutais dans une immense dépression. Je manquais de sommeil, je ne mangeais plus. J’étais dégoûtée, la peur me hantait. Tu étais acharné à fond, pour me faire quitter le domicile, c’était ton seul but sans te soucier où je pourrais me rendre. Quand tu pensais que j’allais partir bientôt, tu devenais plus calme. Me voyant toujours présente, les disputes reprenaient. J’étais à bout de forces, même pour mes petits chéris, malheureusement.
Pardonnez-moi mes amours du mal que j’ai pu vous causer…

Chute de tension, évanouissement, crise de tétanie, début de diabète, asthme, mon corps me criait au secours et je n’avais plus la force de réagir. Patrick, lui seul, m’a aidé à sortir la tête de l'eau. Il était ma bouée de sauvetage pour continuer à m'accrocher à la vie, il me remontait le moral pendant des heures en cherchant les moindres détails pour me soulager dans mes tâches. Il a été mon ange gardien.  Patrick ton ami, lui seul est tombé dans ce trou noir avec moi, pour me faire remonter à la surface.  Je l’ai vu ce trou noir, ma deuxième mort vers l'enfer. Une voie sans issue, un tunnel lugubre, un puits où l’on n’aperçoit jamais le fond. Les parois sont lisses, il n’y a aucune sonnette d’alarme qui nous dit que c’est la fin. Il n’y a plus rien. Ainsi a été cet endroit où Patrick a plongé pour me sauver.

Après avoir désiré et mis au monde mes deux enfants je peux affirmer une deuxième vérité dans cette vie à tes côtés Adrien. Si Dieu ne m’avait pas mis Patrick sur mon chemin, je n’aurais plus été de ce monde.

Seul le Seigneur sait où j’étais.

Et sur cette terre je sais, je sais où j’étais, seule, mais je le sais…

 

Extrait de : - L. L. D. S. - Tous droits réservés ©

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Commentaires
L
J'aurais aimé entendre vos mots à cette époque...<br /> <br /> <br /> <br /> Oui malheureusement, même les gens dont on est proche peuvent changer de visage, pour diverses raisons.... Je garde vos conseils en mémoire Opaline, ils me réchauffent le cœur!
L
Vous savez Opaline, comme vous le rencontrerez plus tard dans mes écrits, entre la très haute image négative que j'avais de moi avec toutes ces épreuves, la force d'être toujours debout pour mes enfants et l'amour qui a conduit chacun de mes pas, ce trio ne m'a pas permis hélas, de détecter les personnes toxiques qui sont passées sur mon chemin... J'ai commencé à ouvrir les yeux sur moi en fin d'année 2007, un long et difficile travail sur moi même à commencer à prendre forme... Cela fait à peine deux ans que j'arrive à porter un regard méfiant si l'homme est violent ou manipulateur...<br /> <br /> Profiter de la peur des gens est ignoble, vous avez entièrement raison... <br /> <br /> Merci Opaline, vos mots m'aident beaucoup.<br /> <br /> Prenez bien soin de vous!
M
En lisant cela, j'espère de tout mon cœur que si vous deviez de nouveau rencontrer quelqu'un de violent, vous ne cacheriez rien et vous l'arrêteriez d'un seul regard en lui rappelant la loi, sans lui trouver d'excuses ; que vous sauriez vaincre votre peur en ne la laissant pas prendre toute la place, car profiter de la peur des gens est ignoble.
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